Crise sanitaire ou crise d'acuité ?
Une histoire de fromages aux artisons
(Publié sur Causeur.fr le 25 septembre 2020)
La chose était incertaine au début de l'épidémie, elle est assez claire aujourd'hui : le nouveau virus n'est guère plus dangereux que les virus qui étaient antérieurement présents et ces derniers n'ont jamais nécessité la mise en place de telles mesures sanitaires. La crise que nous essuyons est donc bien davantage due à notre capacité spectaculaire à emmagasiner des données et à notre incapacité à pouvoir les traiter avec discernement et sérénité. C’est à travers une loupe grossissante que le « big data » nous fait voir la réalité et celle-ci, devenue difforme ou spectaculaire, nous effraie… Nous ne vivons pas une crise sanitaire mais bien une crise d'acuité.
Un délicieux fromage
Ceci me rappelle une histoire de fromage. Nous étions quelques naturalistes, rassemblés pour quelques jours sur un plateau venteux du Massif Central. Étudiant minutieusement la zone, nous étions dispersés sur le terrain durant la journée. Le soir venu, devant une immense cheminée, une grande table nous rassemblait pour le repas. L’un des temps forts du diner était l’arrivée du plateau de fromage. Ni le Saint-Nectaire, ni le Cantal en était la vedette, mais un curieux fromage que l’un d’entre nous avait amené du Livradois voisin. Fabriqué à base de lait cru de vache, cylindrique et de la taille d’une grosse orange, il s’appelait « le fromage aux artisons »…
Il est peu de dire que ce mets avait conquis notre petit comité. Savoureux, il avait, en sus de son goût, une particularité qui le distinguait de ses illustres voisins : son affinage était assuré par des acariens qu’on appelait aussi des artisons… Aux dires de notre fournisseur, des millions d’entre eux sévissaient sur sa croute. Ainsi, avec une minutie de biologistes et la certitude de ne rien pouvoir remarquer, nous examinions le fromage avant de le savourer sans aucune sorte d’appréhension. Un soir cependant, un petit malin eut l’idée d’apposer sur la table une loupe binoculaire et plaça sous la lentille un morceau du fromage. L’un après l’autre, penché sur la loupe, nous découvrîmes un spectacle effrayant. Grouillants, blancs et luisants, armés d’affreuses pattes et mandibules, ils étaient aussi nombreux que les grains de sables sur la plage. Ce soir-là, pas un de nous n’osa manger du savoureux fromage. Pour perdre l’appétit, il avait suffi, aux taupes que nous étions, de voir avec des yeux de lynx…
Effet grossissant
En dégainant sa loupe binoculaire, ce petit malin de gouvernement a lui aussi perdu la raison. Huit cents milles tests par semaine et bientôt le million ! Le ministre Véran est fier de voir grossir à vue d’oeil son instrument. De toute son histoire, jamais la France n’avait mis en place un tel dispositif et, bien sûr, n’avait vu se répandre une épidémie avec une telle acuité. Le taux de tests positifs est très faible, mais l’effet grossissant joue son rôle. Le nez dans les artisons, les autorités se mettent à dire et faire n’importe quoi.
Avec les masques obligatoires, elles privent le peuple du grand air vivifiant. Les badauds les manipulent sans cesse. Ils les laissent trainer au fond de leurs poches, sur les sièges de leurs voitures, sur leurs tables et leurs bureaux et les appliquent ensuite directement sur leurs visages. Avec de telles mesures, il n’est pas exclu que les autorités parviennent à modifier le cours de naturelle de cette maladie et fasse apparaître cette mythique deuxième vague. Aussi, il ne serait pas surprenant qu'explose le nombre des autres formes d’infections profitant de ses barrières devenues vecteurs… On est en droit de se demander si le remède n'est pas pire que le mal.
L’angoisse et la peur, pas bon pour les défenses immunitaires
Mais, non content de réaliser le rêve de Daech en couvrant tous les visages, le gouvernement, en mettant à plat l’économie, réalise celui des écologistes décroissants. La France qui n’a plus d’usine, dont l’agriculture est à l’agonie, fragilise avec un zèle étonnant ses clubs sportifs, son industrie touristique, les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie… Elle annule bals et mariages, foires et marchés. Elle répand l’ennui, l’angoisse et la peur, si néfastes aux défenses immunitaires. Elle fait advenir un monde glacial où, condamnés à l’isolement, les vieux peuvent mourir plus vite d’une solitude carabinée et où de « vrais » malades, en quête de dépistage ou de soins, sont délaissés par un système médical croulant sous le poids des bien-portants.
Dans le monde ordinaire, il ne fait aucun doute que le coût de ces mesures est disproportionné par rapport à leur bénéfice, mais pas dans le monde déformé par la loupe où Lilliput est la patrie des géants, où David est aussi grand que Goliath, et où les acariens ont une taille d’éléphant. Pour conduire la voiture, le gouvernement a chaussé ses jumelles. Comme la plupart des naturalistes dont elles sont les instruments favoris, j’ai moi-même tenté l’expérience. Je le déconseille aussi fermement que j’encourage à manger du fromage aux artisons.