La guerre ISO 14001
L'ONU a déclaré que, dorénavant, le 5 novembre serait la "journée internationale pour la prévention de l'exploitation de l'environnement en temps de guerre et de conflit armé". Curieuse initiative que de vouloir l'émergence d'une guerre propre ! Mais, cela permet de rappeler que, bien souvent, le contexte environnemental est cause de guerre...
Depuis 2001, l’ONU célèbre en novembre la journée internationale pour la prévention de l'exploitation de l'environnement en temps de guerre et de conflit armé. Les luttes armées peuvent être coûteuses en vies humaines, mais, l’ONU le rappelle, elles sont aussi souvent calamiteuses pour l’environnement. D’autant plus que s’il est possible, depuis la doctrine de la « guerre zéro mort », d’imaginer des guerres sans victimes, il est en revanche difficile d’imaginer des guerres sans dommages environnementaux. Ces derniers peuvent d’ailleurs être responsables de morts « différées » dans la mesure où l’environnement dégradé continue d’agir directement sur la santé humaine lors des périodes d’après-guerre…
Le problème de cette initiative onusienne est qu’elle est sans doute illusoire. Il est très peu probable qu’adviennent un jour des guerres « propres » où les acteurs appliqueraient des « démarches qualité » environnementales. La guerre « ISO 14001 »[1] n’est pas encore née. Réclamer des militaires qu’ils épargnent l’environnement reviendrait à demander à des tennismen d’éviter toutes traces sur la terre battue… Ou alors, il faudrait espérer l’arrivée d’une nouvelle race de généraux réticents à larguer des bombes (ou du Napalm) sur les forêts et les rivières, à l’image d’un général Von Choltitz qui refusait, en 1944, de brûler Paris. Malheureusement, il n’y a pas plus antimilitaristes que les écologistes ! La guerre est une destruction et le rôle des militaires en temps de guerre est de détruire, cela ne fait aucun doute.
Le deuxième volet de l’initiative de l’ONU sur le thème de la guerre et de l’environnement est plus intéressant car il consiste à mettre en lumière les causes environnementales des conflits. Autrement dit, il s’intéresse à l’environnement non en tant que « victime », mais en tant que « cause ». Les peuples, en effet, s’affrontent rarement par plaisir, encore moins pour des idées. Le contexte environnemental est un facteur fondamental qui est cause de guerres. Deux phénomènes actuels et interdépendants accentuent les risques : la raréfaction des ressources et la croissance de la population mondiale.
Un théoricien de la guerre français du XXème, Gaston Bouthoul, avait émis l’hypothèse de la « relaxation démographique »[2]. Selon lui, la guerre permettait de mettre un terme (provisoire) à une situation de surpopulation et avait donc une fonction sociale. Il fût critiqué car sa thèse tendait à justifier les conflits armés mais, disait-il, « il ne suffit pas, pour supprimer la vieillesse, de nier qu’elle soit une fonction organique » et c’est bien sûr la même chose pour la guerre.
En tout état de cause et même s’il s’avérait que Bouthoul ait tort, il ne faut pas oublier que le contexte environnemental actuel est favorable au développement d’humeurs belliqueuses. Reste à savoir si on est en capacité de les prévenir. À l’image de l’ONU, on aimerait le croire, mais rien n’est moins sûr…
Bertrand ALLIOT
[1] ISO 14001 est une norme qui certifie le bon « management environnemental » d’un organisme.
[2] Bouthoul, Gaston, « Traité de Polémologie », Payot, Paris, 1991