Moi, Ministre de l'Environnement
Article paru (sous le titre “l’écologie est morte, vive l’environnement !”) dans le hors série de Valeurs Actuelles consacré à l’écologie
Me voilà presque Ministre. Le Président et le Premier Ministre ont décidé de me confier un portefeuille et ce sera bien sûr celui de l’écologie. Avant que ma nomination ne soit annoncée, il me reste quelques heures pour négocier le périmètre de mon futur ministère. En réalité, je ne souhaite pas l’élargir, mais au contraire le réduire ! Je n’ai pas l’ambition de sauver le monde, d’influer sur le temps qu’il fera demain; je n’ai pas non plus envie de mettre au pas l’agriculture, l’industrie, les transports… Être ministre de l’écologie, c’est vouloir être ministre du ciel et de la terre. Je veux être plus simplement « ministre de la nature et de l’environnement ».
Cette demande de simplification aura une conséquence immédiate : ce ministère, devenu obèse au fil du temps, perdra certaines de ses attributions emblématiques comme l’énergie et les transports. Ces domaines de l’action publique ne doivent en aucun cas tomber dans l’escarcelle de ce ministre qui a toujours la même déformation professionnelle : il ne sait qu’agir en vue de réduire les pollutions et les nuisances… Avoir entre les mains des politiques primordiales comme celles des transports et de l’énergie serait un terrain de jeu formidable pour faire ce qu’il sait donc faire le mieux : alourdir les contraintes règlementaires pour préserver l’environnement. Sous l’effet de l’excitation, comme les ministres de l’écologie qui se succèdent depuis 15 ans, il oubliera très vite que les objectifs principaux sont, pour l’une, de relier efficacement les territoires pour faciliter les échanges et, pour l’autre, de faire en sorte que l’énergie reste abondante et bon marché…
Un ministre en charge de l’environnement n’est pas d’abord un « envoyé spécial » des petites fleurs et des petits oiseaux, mais bien l’agent d’un gouvernement qui n’a qu’un seul objectif : défendre les intérêts de la Nation. Le but des dirigeants de la France, ce minuscule bout de territoire à la pointe de la péninsule européenne, en premier lieu, n’est pas de répondre dans « l’urgence » à une hypothétique « crise écologique » planétaire, mais de travailler au bonheur de son peuple. Ayant la fibre patriotique, aimant l’hexagone et ses habitants, je travaillerais avec entrain dans ce cadre renouvelé. Face à ma garde rapprochée et aux fonctionnaires de mon ministère je serais très clair : « il ne s’agit ni de mettre à l’index nos convictions, ni de trahir les petites fleurs et les petits oiseaux, mais de remettre les choses à l’endroit. Ayons toujours à l’esprit qui nous devons servir ».
Ainsi, délesté des politiques de l’énergie, des transports et du logement, débarrassé des ambitions démesurées et du sentiment de l’urgence, pour le dire en un mot, ayant rompu avec « l’écologie », il ne restera plus qu’à mener des politiques de « l’environnement ». Le ministère redeviendra ce qu’il était avant 2007 et ce qu’il aurait dû rester : le ministère dont la fonction principale est de lutter contre les pollutions, les nuisances et les risques. Les domaines d’actions sont bien connus : l’eau, l’air, le bruit, les sols, les déchets, les risques naturels et industriels (politique des « installations classées »)… Au fond, sa fonction est d’essayer de circonscrire, contrôler, limiter les effets pervers induits par la satisfaction des besoins d’amélioration des conditions de vie et de chercher le compromis le plus acceptable possible entre des intérêts contradictoires.
Il y aura cependant une règle qui sera instaurée très vite après ma prise de fonction et qui rentrera, je l’espère, en résonance avec la politique globale du gouvernement : il sera interdit, dans la plupart des domaines, sauf exception, d’alourdir les contraintes pesant sur les acteurs économiques. Les normes, les règlementations, les interdictions se sont accumulées de façon spectaculaire depuis les années 1970. Dans le même temps, dans la grande majorité des domaines, l’état de l’environnement s’est amélioré et les actions entreprises maintenant servent essentiellement à « parfaire ». Plutôt que s’attacher à chercher le bien, il y a une fuite en avant vers le « toujours mieux » qui produit à la chaîne des règles tatillonnes et de plus en plus absurdes. Personne ne peut prouver que l’excès de normes améliore globalement l’état de l’environnement (si ce n’est à la marge). Par contre, tout le monde peut constater qu’elle tend à faire de la vie des acteurs économiques un enfer et conduit notre pays à perdre en compétitivité dans un contexte international de plus en plus compétitif. Plutôt que s’attacher à faire, il faudra donc s’attacher à défaire.
Pour autant, le ministère ne perdra pas son activisme légendaire. Il réservera simplement son énergie aux justes causes. Les dégradations de l’environnement peuvent être acceptables (dans la mesure où elle restent bien sûr raisonnables) si elles sont générées par des politiques ou des activités qui rendent de grands services à la population. Dans le cas contraire, il faut savoir se mobiliser sans ambiguïté. Le ministère de l’environnement sera ainsi très actif au sein du gouvernement, contrairement aux ministres « de l’écologie » qui se sont succédés, pour faire cesser la politique de développement de l’éolien et du photovoltaïque. Ces sources d’énergie ne répondent pas au besoin de production d’électricité de notre pays. A cause de leur intermittence (ils fonctionnent uniquement lorsque le vent souffle ou que le soleil brille), elles ne permettent pas de diminuer les puissances installées des infrastructures « pilotables » (centrales au charbon, au gaz ou nucléaire). Leur durée de vie d’à peine 25 ans est par ailleurs bien trop faible. Comble de l’absurde, cette politique qui est un absolu gouffre financier, ne permet en rien de décarboner la production d’électricité puisque celle-ci, grâce au nucléaire et à l’hydraulique, l’est déjà largement ! Si le premier ministre et mon collègue ministre de l’énergie ont la mauvaise idée de poursuive sur cette voie, j’agirais au sein du gouvernement comme une force d’opposition à la manière des ministres de l’environnement de toujours… Il n’est pas acceptable de prélever des milliers de tonnes de matières premières dans la nature, que des oiseaux et des chauves-souris périssent et de dégrader nos paysages millénaires si la politique menée est insensée…
Dans la continuité, le ministère de l’environnement s’efforcera de ré-allouer les moyens mis pour lutter contre les émissions de CO2. Si nous avons bien constaté depuis un siècle un réchauffement d’un degré de la planète, il n’y pas eu d’effets négatifs strictement liée à cette évolution. Aucune augmentation des phénomènes extrêmes (ni en nombre, ni en intensité) n’a pu être constatée, rien de spectaculaire et d’anormal ne s’est produit au niveau de la montée des océans et de la surface des pôles. Quant aux projections issues des modèles mathématiques, faut-il s’y fier alors que la très grande majorité s’est montrée erronée et beaucoup trop « réchauffiste » ? Malgré les très grandes incertitudes sur l’avenir et l’impossibilité de prévoir, la lutte contre les gaz à effet de serre est devenu au fil des années l’alpha et l’omega des politiques écologiques au point de faire oublier toutes les autres thématiques. Des sommes d’argent considérables sont engagées dans tous les domaines de l’action publique avec une seule certitude : l’impossibilité d’évaluer les résultats des actions et politiques engagées.
Par ailleurs, il faut toujours rappeler que la France émet moins de 1% des gaz à effet de serre de la planète et fait partie des pays les plus performants sur le sujet du CO2 (grâce notamment à son électricité issue du nucléaire et de l’hydraulique). Pour comprendre ce que l’on fait aujourd’hui subir à notre pays, il suffit d’imaginer un individu ayant atteint son poids de forme et à qui l’on demande de maigrir encore. Pour y parvenir, il devra dépenser une énergie folle et par ailleurs fragiliser son état de santé général. Les milliards d’euros dépensés sur ce sujet-là ne pourront avoir par définition qu’un effet infinitésimal sur le problème posé en faisant par ailleurs l’hypothèse que le diagnostic d’urgence climatique soit juste, ce qui est loin d’être le cas. Rationnellement, la France doit rompre avec l’obsession du CO2. Je n’aurais personnellement de cesse d’essayer de convaincre mes collègues ministres, les collectivités locales et les entreprises de faire comme mon administration : ré-allouer les fonds importants dépensés sur « le défi climatique » sur des sujets sur lesquels il est possible d’obtenir des résultats observables. Il faut changer la vie des gens en améliorant directement leur cadre de vie et non jeter l’argent dans un puit sans fond en pensant pouvoir régler un problème sur lequel nous n’avons pas de prise.
Enfin, j’ai dit que je souhaitais être ministre de la « nature et de l’environnement » et si je n’ai pas encore parlé de la « nature », c’est que je gardais le meilleur pour la fin. Il ne s’agit plus, comme avec l’environnement », de lutter contre les pollutions, les nuisances et les risques, mais d’agir pour préserver le « patrimoine naturel » : la flore, la faune et les paysages. On aurait pu confier la mission de sa protection au ministère de la culture qui a déjà en charge la protection de son cousin, le patrimoine culturel. Il serait ainsi devenu le « ministère de la culture et de la nature ». Mais, après 50 ans d’actions dans ce domaine, il serait inutile de « bousculer » les administrations concernées. Là encore, il faudra mettre fin au catastrophisme. Non, il n’y a eu, sur le territoire français, aucun « effondrement » généralisé de la biodiversité et aucune raison, comme pour le climat, d’agir dans « l’urgence ». Bien sûr, certaines espèces sont moins abondantes qu’auparavant, notamment les espèces inféodées aux milieux agricoles, mais comment refuser de voir que beaucoup d’autres se portent beaucoup mieux : les rapaces, les cigognes, les hérons et aigrettes, les loutres, les loups et la plupart des espèces « forestières ». Mon administration mettra aussi fin à la pratique de la « cogestion » avec les ONG environnementales. Pour le dire autrement, elle ne sera pas plus l’amie des « écologistes », qu’elle ne sera l’ennemie des chasseurs, des pêcheurs et des agriculteurs. Elle s’amusera de leurs sempiternelles « guéguerres » et s’efforcera de rassembler les énergies pour lutter, dans un élan commun, contre l’urbanisation du territoire et l’étalement urbain.
Les mânes de Robert Poujade viendront hanter le ministère. Premier à détenir le portefeuille de l’environnement, il avait mis l’accent sur la lutte contre les pollutions en s’efforçant de dialoguer avec le monde de l’industrie. En parallèle, il s’était occupé des territoires qui témoignaient si bien des beautés et des richesses de la France : les réserves naturelles, parcs nationaux et régionaux français. C’est pour cette activité qu’il gardât le plus de nostalgie. Il lui avait fallu la raison pour protéger l’environnement, la passion pour protéger la nature, les deux armes dont j’userais aussi pour monter à l’assaut du ministère qui, depuis 2007, est accaparé par « l’écologie ».