Biodiversité : encore une victime qui nous accuse !
Edito de Valeurs Actuelles semaine du 16/09/2021
Etre un chef d’Etat moderne c’est se montrer à la fois soucieux de son peuple et de la planète… Ainsi, lors de sa rentrée politique, Emmanuel Macron, après avoir annoncé un nouveau plan pour Marseille, s’est rendu au Congrès Mondial de la Nature organisé par l’UICN, évènement ayant vocation à alerter l’opinion public mondial et les responsables politiques sur l’état de la biodiversité. Ce thème a clairement le vent en poupe. Il n’est pas en mesure de détrôner le changement climatique, mais il tient clairement la corde du catastrophisme écologique. Lorsque ce n’est pas une crise climatique qui nous est annoncée, c’est en effet une crise liée à « l’effondrement » du vivant. A l’échelle planétaire, nous assistons sans doute, comme le disent les ONG, à une diminution de la biodiversité, mais il n’y a sans doute pas lieu de craindre, contrairement à ce qu’elles affirment, que ce phénomène entraine une catastrophe planétaire.
Depuis plusieurs siècles, une espèce, l’homme, modifie en profondeur l’environnement planétaire parce qu’elle augmente sa population de façon spectaculaire et que, partout, son niveau de vie progresse ce qui entraîne des prélèvements importants de ressources naturelles et d’énergie. On peut regretter cet état de fait, mais, immanquablement, la conjonction de ces deux phénomènes provoque des « recompositions » ce qui signifie qu’un nouvel ordre naturel se met en place : les effectifs de certaines espèces diminuent et d’autres augmentent. L’histoire naturelle est en effet rythmée par des évènements (d’ordre géologique, climatique ou biologique) qui se succèdent et qui « bousculent » les êtres vivants. L’évènement « humain » est bien sûr inédit, mais sa nature n’est pas différente de ceux qui l’ont précédé ou de ceux qui lui succéderont.
Le problème des bien-nommés « conservateurs » réunis à Marseille est qu’ils agissent comme s’il était possible de conserver la « photographie » de la biodiversité à un instant T en faisant mine d’ignorer les bouleversements actuels et les dynamiques d’adaptation naturelle qui se produisent. Les modifications importantes liées au développement de l’espèce humaine provoquent des recompositions qu’il est globalement impossible de ralentir ou d’empêcher à moins de mettre en œuvre un projet génocidaire ambitieux. Il ne s’agit pas ici d’affirmer qu’il est inutile d’agir ponctuellement pour prévenir certaines conséquences néfastes ou que toute action de « conservation » est par définition superflue. Pour des raisons patrimoniales, esthétiques, récréatives, économiques (le tourisme « nature » est un secteur florissant..), la protection des espaces et des espèces naturels est souvent d’un très grand intérêt. Il s’agit plutôt, d’une part, de critiquer la propension de la mouvance écologique à vouloir ranimer, en toute occasion, le discours anxiogène de la « crise » et, d’autre part, celle du pouvoir politique à vouloir « sauver le monde » dans la précipitation. Autrement dit, avec la biodiversité, l’Etat ne doit pas reproduire les erreurs de la politique « climatique » qui a réussi l’exploit de désorganiser et renchérir la production d’énergie électrique à échelle de la nation tout en ayant aucun effet substantiel sur le problème posé à l’échelle globale…
Face aux discours sur « l’urgence », le mieux pour les responsables politiques serait de garder la tête froide et de s’interdire d’alourdir les contraintes règlementaires pesant sur des acteurs économiques déjà très éprouvés et d’éviter de lancer de nouvelles politiques couteuses à l’efficacité très incertaine. Ils devraient aussi mieux se renseigner sur l’état de la biodiversité dans notre pays. Les ONG, qui ont intérêt à noircir le tableau pour continuer d’exister, évitent souvent soigneusement de parler des nombreuses raisons de se réjouir. Si certaines espèces ont vu leurs effectifs baisser de manière significative comme celles qui sont liées aux espaces agricoles, de nombreuses autres ont connu ou connaissent des expansions importantes ou spectaculaires. Les populations de beaucoup d’espèces de rapaces ou d’ardéidés (hérons et aigrettes) sont par exemple florissantes. Le Pigeon ramier, la Fauvette à tête noire, la Tourterelle turque ainsi que le Guêpier d’Europe, le Faucon pèlerin, la Cigogne blanche, le Loup gris, la Loutre d’Europe, l’Elanion blanc et des dizaines d’autres ont connu, à des échelles diverses, des expansions importantes voire spectaculaires. Cela montre d’abord que les milieux naturels français sont encore tout à fait capables d’accueillir des cortèges d’espèces importantes et ensuite que les êtres vivants ont de puissantes capacités d’adaptation.
A Marseille, malheureusement, les bonnes nouvelles sont passées sous silence. On s’est efforcé, comme d’habitude, de souligner que si rien est fait, le monde courre à la catastrophe. Comme d’habitude, il y a eu de l’éloquence, de l’émotion et des bonnes résolutions. Et comme d’habitude, on s’est donné rendez-vous dans quelques années pour jouer la même comédie. En attendant, il n’est bien sûr pas interdit, avec moins de grandiloquence et davantage de modestie, de prendre soin de notre patrimoine naturel.