Bougrain Dubourg et la LPO : 40 ans, ça suffit !
Publié sur le site factuel.com en 2023 (le site ayant disparu, cet article est remis ici)
Par communiqué du 13 juillet 2023, la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) a annoncé le départ de Matthieu Orphelin, son directeur général ; il n’était en poste que depuis 7 mois ! Son entrée en fonction avait suscité une certaine indignation car le personnage s’était auparavant illustré comme défenseur inconditionnel des éoliennes. Le choix était d’autant plus surprenant qu’on connaissait la nocivité de ces moulins à vent pour l’environnement en général et pour les oiseaux et les chauve-souris en particulier, ainsi que ses calamiteuses performances pour produire de l’électricité… Toute honte bue, l’association avait validé sa nomination « à l’unanimité du Bureau et du Conseil d’Administration ».
A vrai dire, le fait que Matthieu Orphelin soit un acharné des éoliennes n’était pas le seul problème. Rien, dans son parcours, contrairement aux précédents directeurs de la LPO, ne le rattachait véritablement à la protection de la nature et des oiseaux. Il avait fait l’essentiel de sa carrière à l’ADEME, une officine à la mode de l’écologie moderne, c’est-à-dire anti-nucléaire et pro-éolienne. Parallèlement, il s'était lancé en politique au sein d’Europe Écologie les Verts puis à la République en Marche. La LPO n’avait jamais fait le choix de ce genre de profil à la fois « techno » et politisé, a priori peu à l’aise sur terrain, mais capable de naviguer avec agilité dans les sphères de pouvoirs.
Les autres associations nationales, comme le WWF, Greenpeace, France Nature Environnement ne s’étaient pas gênées. C’était tout à l’honneur de la LPO d’avoir su cultiver son originalité, elle qui, contrairement à toutes les autres, était restée d’abord et avant tout une association de terrain avec un nombre invraisemblable de passionnés passant leur temps à observer, répertorier et protéger les oiseaux… La LPO est devenue ce qu’elle est grâce aux nombreuses sociétés ornithologiques constituées après-guerre et qui se sont peu à peu fédérées au niveau national. Alors, au moment de se choisir des directeurs, elle avait naturellement puisé dans le vivier naturaliste. Cette fois, le choix fut différent.
D’après le communiqué de la LPO, on comprend que la décision fut prise à l’époque par Allain Bougrain Dubourg, l’emblématique président. On ne reste pas 37 ans à la tête d’une association sans finir, avec ou sans délicatesse, par imposer ses choix. Après un si long compagnonnage, l’esprit critique de ses lieutenants s’est sans soute quelque peu ramolli. A mon avis, ils auraient dû être plus vigilants sur deux autres sujets essentiels.
D’abord, sur l’élargissement des missions de la LPO au bien-être animal, opéré il y a quelques années. Allain Bougrain Dubourg, inlassable défenseur des animaux a fini par retourner les naturalistes pour qui la protection de l’animal n’avait jamais été un sujet de préoccupation. La LPO, comme toutes les associations naturalistes, s’intéresse au sort des espèces et non à celui des animaux en tant qu’êtres « sensibles ». C’est évidemment une noble cause mais qui doit être laissée aux associations qui en ont fait leur combat initial. L’arrivée de ce thème à la LPO est par ailleurs malvenue : la LPO pratique la régulation des « nuisibles » dans ses réserves naturelles, malmène parfois des animaux dans ses centres de sauvegarde (pour nourrir d’autres animaux) et plusieurs de ses activités induisent le dérangement d’espèces…
Ensuite, la LPO n’aurait pas dû élargir, comme elle l’a fait en 2012, ses missions au-delà de l’oiseau pour « embrasser » toute la biodiversité. Par souci de cohérence d’abord car elle s’appelle Ligue pour la Protection des Oiseaux et qu’elle est avant tout une association d’ornithologues. Il est faux de dire que l’oiseau n’a pas une place particulière dans le cœur de ses membres. Bien sûr, ces derniers s’intéressent aux autres espèces, mais l’oiseau est pour eux un objet de passion bien plus fort que tout le reste. Ce n’est pas innocent si, à travers le monde, les associations ornithologiques ont toujours été sur-représentées.
Il y a aussi une raison plus stratégique. Lorsque la LPO avait pour seul objectif « les oiseaux et les milieux dont ils dépendent », elle n’était pas obligée d’intervenir sur des sujets clivants comme ceux du loup ou de l’ours. Sa position lui permettait de minimiser les confrontations et d’éviter les sujets qui créent le plus d’antagonismes. Bien sûr, la paix avec les chasseurs, les agriculteurs, les forestiers n’était pas garantie, mais au moins pouvait-elle dialoguer sereinement, s’assurer d’utiles appuis et même conserver des partenaires loyaux. Quelle plaie de devoir absolument se positionner sur le loup, cet animal adoré par ceux qui ne le côtoient jamais et logiquement détesté par ceux qui doivent subir sa présence. La LPO a renoncé à sa tranquillité et à son image modérée pour davantage d’exposition médiatique. Elle n’était pas obligée de porter cette croix…
Malgré le respect qu’il a montré toutes ces années pour l’histoire de la LPO, Allain Bougrain Dubourg, protecteur des animaux et piètre ornithologue, a lentement transformé la LPO pour la faire à son image. Il n’y a rien d’étonnant que l’association finisse par se confondre avec celui qui préside à sa destinée depuis 37 ans... Le temps est donc venu pour lui de céder la place. Il restera à ses successeurs une erreur à ne pas commettre : achever la transformation de la LPO en magnifique ONG.
Ils devront pour cela essayer de se tenir éloignés du radicalisme écologique, cette maladie qui touche en premier lieu les structures qui ont beaucoup de salariés et donc des besoins constants d’argent. La tentation est alors grande de grossir le trait, d’exagérer les problèmes pour que les pouvoirs publics, les entreprises, les donateurs crachent toujours un peu plus au bassinet.
Ils devront aussi s’attacher à nous parler toujours plus d’oiseaux et toujours moins de CO2… Le WWF est déjà devenu franchement barbant depuis qu’il nous entretient sans cesse de « politiques énergétiques »… Que la LPO nous en préserve car les naturalistes savent bien, au moins depuis Lamarck, que les espèces ont de formidables capacités d'adaptation et qu’au siècle dernier déjà, les macareux moines n’ont eu besoin de personne pour se déplacer vers le nord…
Les mesures de plus en plus drastiques, prises par les élites européennes, pour sauver la planète sont en train d'asphyxier les citoyens, notamment dans les territoires ruraux. Avec les interdictions en tout genre, les taxes carbone, les quotas d'émissions, les ZFE, personne ne doit se croire à l’abri. Il se pourrait même que le petit peuple de la LPO n’ait plus les moyens de se rassembler sur les cols pour compter les oiseaux migrateurs, de parcourir les chemins de campagne pour sauver les busards et d’accéder aux terrains escarpés pour surveiller les aires de rapaces. Alors oui, la LPO peut être complice de tout cela, vouloir rester du côté du manche, se faire l’alliée des Verts, de Pascal Canfin et de cette partie de l’extrême centre souhaitant toujours plus d’éoliennes et de panneaux solaires et toujours moins de bovins et de centrales nucléaires.
Ses bénévoles s’éclaireront à la bougie, deviendront véganes par nécessité mais auront le bonheur de feuilleter l’Oiseau Magazine, entièrement rédigé en écriture inclusive. La LPO aura ainsi parachevé sa mue en ONG, docile servante d’une élite internationale en passe de mettre en place une écolocratie. Elle peut aussi rester une simple et belle association. Assurément, le choix de son futur directeur sera un premier indice du chemin qu’elle souhaite emprunter.